Échapper à la douleur du passé
Issu d’un milieu toxicomane, Kyle a appris tôt dans la vie qu’il devait compter sur lui-même pour survivre. Il n’a pas reçu l’attention ni les ressources dont il avait besoin pour surmonter ses troubles d’apprentissage, et ce, pendant des années. Lorsqu’il a enfin été en mesure d’échapper aux mauvais traitements et au chaos de son milieu familial, il a demandé l’aide de l’Armée du Salut.
« Je n’avais aucun modèle à suivre, explique Kyle, aujourd’hui âgé de 24 ans. Les membres du personnel de l’Armée du Salut ont été les premiers à me dire qu’ils m’aideraient, et c’est ce qu’ils ont fait. »
Voler pour ne pas être affamé
Kyle a sept ans lorsque ses parents divorcent. À la suite de cette séparation, il vit avec sa mère qui travaille comme paysagiste. Lorsque cette dernière devient toxicomane, tout ce qu’elle fait est motivé par sa dépendance aux drogues.
« Ma mère avait une belle carrière et était la personne la plus gentille que je connaisse, avant que mon beau-père, lui-même toxicomane, ne l’initie aux antidouleurs à la suite d’une blessure au dos, explique Kyle. Ma mère a ensuite commencé à consommer de plus en plus de drogues et a rapidement développé un dangereux problème de dépendance. »
C’est à cette époque que la vie de Kyle est vite devenue instable, ponctuée de mauvais traitements et de peur. Comme ses parents ne payaient jamais le loyer à temps, ou ne le faisaient que partiellement, Kyle et sa famille ont souvent été expulsés de leur logement. Ses parents priorisaient la drogue plutôt que la nourriture, et ils dénigraient constamment Kyle en raison de ses troubles d’apprentissage.
« Nous n’avions habituellement pas plus qu’une boîte de macaroni au fromage ou une miche de pain dans le garde-manger.»
« Nous n’avions habituellement pas plus qu’une boîte de macaroni au fromage ou une miche de pain dans le garde-manger, révèle Kyle. On me disait toujours que je n’étais pas intelligent. J’ai fréquenté neuf écoles et, comme j’étais complexé, je n’arrivais pas véritablement à m’intégrer. De plus, je ne savais ni lire ni écrire. »
À 13 ans, Kyle fait de petits boulots pour aider à payer l’épicerie et pouvoir porter des vêtements en bon état. Lorsqu’il ne travaille pas, ses parents l’encouragent à voler pour manger. C’est d’ailleurs ce qu’il fait. Ses parents, pour leur part, utilisaient tous les moyens à leur disposition pour « nourrir » leurs dépendances. Ils rédigeaient de fausses ordonnances, faisaient du vol à l’étalage dans les pharmacies ou mentaient durant des visites aux urgences.
Atteindre le point de rupture
La toxicomanie débridée de la mère de Kyle a amené cette dernière à adopter de nouveaux comportements destructeurs. Elle a souvent des hallucinations et il lui arrive même de donner des coups de pied sur la porte de la chambre de Kyle durant la nuit. D’ailleurs, chaque fois que Kyle se couche, il se demande si la prochaine nuit sera celle où sa mère va le tuer.
« Tout ce qui comptait pour elle, c’était la drogue, confie Kyle. Et je n’y pouvais rien. »
Les parents de Kyle lui disent un jour qu’il est la cause du chaos familial, et qu’ils auraient espéré que le jeune homme ne voit jamais le jour. C’est à ce moment que Kyle atteint le point de rupture et décide de partir.
« J’ai appelé mon père biologique qui habitait à Terre-Neuve-et-Labrador, mentionne Kyle. Nous n’avions jamais eu une bonne relation, mais je n’avais nulle part d’autre où aller. Je lui ai demandé de m’aider et, peu de temps après, j’ai pris l’avion pour aller le rejoindre. »
En 2017, Kyle déménage temporairement chez son père, tout en ayant pour objectif d’être autonome. Il économise assez d’argent pour payer un loyer à son père. Il est aussi en attente d’un soutien financier du gouvernement, octroyé en raison de ses troubles d’apprentissage.
« Lorsque j’ai été à court d’argent, mon père a eu l’impression que je profitais de lui et il m’a demandé de partir, révèle Kyle. J’étais dévasté. »
Kyle appelle alors un taxi pour se rendre dans un refuge à Gander (T.-N.-L.). Le personnel de l’endroit lui recommande de communiquer avec l’Armée du Salut pour obtenir des services d’hébergement d’urgence.
Combler des besoins
« L’Armée du Salut m’a dit qu’elle pouvait m’offrir une aide d’urgence pour l’hébergement et la nourriture, explique Kyle. J’ai rapidement eu accès à un lit, à un canapé, à un grille-pain, à un four à micro-ondes et à de la nourriture. J’étais aux anges! »
Danette Hicks, employée en aide au logement de l’Armée du Salut, est devenue non seulement un modèle pour Kyle, mais aussi une personne qu’il ne voulait pas décevoir.
« Danette m’a appuyé, et elle a célébré chacun de mes succès », précise Kyle.
Kyle va ensuite à l’école pendant plus de deux ans sans rater une seule journée. Les enseignants mettent les bouchées doubles pour lui apprendre à lire et à écrire, ce qui contribue à renforcer considérablement son estime de soi. Pendant cette période, Kyle suit 14 cours de remise à niveau et obtient 36 crédits, ce qui lui permettra d’obtenir son diplôme de 12e année.
« Après un mois d’école, j’avais compris que j’étais capable de tout », affirme Kyle.
Depuis, Kyle a obtenu son permis de conduire et s’est inscrit au College of North Atlantic. Dans quelques mois, il obtiendra son certificat en sciences humaines et en arts intégrés. À cet égard, il attribue beaucoup de mérite à Danette, son modèle, ainsi qu’au personnel de l’Armée du Salut qui lui ont rappelé que même si la vie est parfois dure, tout est possible.
« L’Armée du Salut a été comme un cadeau du ciel, dit Kyle. Je n’arrive pas à croire que j’ai parcouru tout ce chemin jusqu’à présent et que je suis toujours en vie. »
Kyle a maintenant comme objectif de s’enrôler dans les Forces armées canadiennes et de devenir pompier. Il veut contribuer à améliorer la vie d’autrui.
Linda Leigh