Le chemin de la guérison
De 1883 à 1998, le gouvernement canadien a envoyé plus de 150 000 enfants autochtones dans des pensionnats, un peu partout au pays, afin de leur faire oublier leur langue et leur culture. En outre, bon nombre d’entre eux y ont subi des sévices.
Inuk n’avait que neuf ans lorsqu’on l’a retiré de son foyer autochtone pour l’envoyer dans un pensionnat. Au premier abord, quitter la maison pour les études lui semblait être une bonne chose, car cette situation lui permettait d’éviter les mauvais traitements physiques que son père lui infligeait. Cependant, si ces circonstances ont permis à Inuk d’échapper à un traumatisme, elles l’ont aussi mené vers un autre.
L’histoire d’Inuk
« Souffrance et solitude sont les mots qui résument mon expérience scolaire, souligne Inuk. Comme élèves, nous étions soumis à une discipline de fer et en proie à des sévices physiques et sexuels. »
« Le pensionnat m’a traumatisé et, à 63 ans, j’en souffre encore aujourd’hui, témoigne-t-il. Cet endroit avait pour but d’éradiquer tous les aspects de ma culture autochtone. J’ai été battu violemment pour m’être exprimé dans ma langue maternelle. Je pourrais en dire plus, mais j’ai de la difficulté à en parler. »
À l’âge de 14 ans, après cinq années passées au pensionnat, Inuk est retourné vivre au sein de sa famille dysfonctionnelle.
« J’ai vécu dans la peur, déclare Inuk. Mes parents étaient des alcooliques, et mon père continuait à nous maltraiter physiquement. J’ai d’ailleurs bu beaucoup d’alcool fait maison pour tenter d’atténuer la douleur ».
Inuk a plus tard terminé sa dixième année scolaire, et a travaillé dans le domaine du commerce de détail ainsi que dans un cabinet médical. Il a ensuite suivi un programme d’administration de la justice à l’université.
« J’ai fini par cesser ma consommation d’alcool, je me suis marié et j’ai eu des enfants, indique Inuk. Cela dit, je n’étais pas en mesure d’offrir à ma famille ce que je n’avais jamais reçu, c’est-à-dire du soutien et de bons conseils. De plus, en tant qu’autochtone, j’ai toujours eu de la difficulté à définir mon identité culturelle. »
Les effets des excuses
Inuk était sobre depuis 18 ans lorsqu’en 2008, le gouvernement fédéral a présenté ses excuses relativement à la gestion des pensionnats.
« En entendant ces excuses, j’ai ressenti une vive émotion et je me suis tourné vers la bouteille, raconte Inuk. J’avais des idées suicidaires, mais je n’ai pas été en mesure de passer à l’acte, car j’avais le sentiment que je devais trouver ma place ou mon but dans la vie. »
Inuk est allé séjourner pendant cinq jours dans un igloo. Cette expérience a été une période d’introspection. Lorsqu’il est retourné à la maison, sa femme et ses enfants avaient déménagé.
« La maison était vide et ils étaient partis en raison de ma quête, précise Inuk. J’étais sous le choc. »
L’espoir plutôt que le désespoir
Inuk a cessé à nouveau sa consommation d’alcool, et il a déménagé à Yellowknife où il a travaillé comme chauffeur de taxi. Toutefois, lorsque son permis de chauffeur n’a pas été renouvelé en raison d’un problème d’hypertension, il s’est remis à boire.
« J’ai même fini par me retrouver dans un hôpital psychiatrique, affirme Inuk. C’est là qu’on m’a parlé de la Bailey House de l’Armée du Salut, et j’ai accepté d’y aller. »
La Bailey House est un centre d’hébergement de 32 lits. En plus d’aider les personnes aux prises avec des problèmes de dépendance et de gestion de la colère, ce centre offre des programmes de développement de l’estime de soi et de prévention des rechutes, des cours d’alphabétisation et du soutien spirituel.
« L’Armée du Salut m’a non seulement fourni un toit, mais elle m’a aussi écouté pendant que je travaillais à établir la cause de ma dépendance, à bâtir mon estime de soi, à faire confiance aux autres, et à exprimer avec fierté mon identité et ma culture autochtones, révèle Inuk. Ma dépendance à l’alcool était un problème secondaire comparativement au traumatisme que j’ai subi au pensionnat. »
« Le rôle de la Bailey House est de fournir aux résidents des ressources, de l’information, des services d’aiguillage et du soutien, explique Jason Brinson, qui travaille pour l’Armée du Salut à Yellowknife. Nous sommes très fiers des progrès d’Inuk; nous continuons à l’appuyer dans sa démarche de guérison et saluons sa volonté de se bâtir un avenir prometteur. »
Inuk a trouvé un emploi au sein de l’Arctic Indigenous Wellness Foundation, un organisme sans but lucratif qui œuvre à l’amélioration de soins de santé adaptés aux Autochtones du Nord. Ces derniers sont aux prises avec un taux élevé de maladies, et ont plus difficilement accès à des soins de santé traditionnels. Inuk donne également des conférences dans des écoles de sa région, durant lesquelles il raconte ses expériences aux jeunes.
« La vie est beaucoup plus douce maintenant, mentionne Inuk. Je me suis installé dans un logement abordable et sécuritaire. Je suis conscient qu’il me reste beaucoup de chemin à parcourir, mais je fais des progrès. Je pense que les processus d’apprentissage et de guérison sont des cheminements permanents. »